RECOMMANDATIONS RECOMMANDÉES.
Quand la démocratie devient un luxe réservé aux plus fortunés.
Les récentes recommandations issues de la concertation nationale sur la révision de la charte des partis politiques au Mali provoquent une onde de choc dans l’opinion publique. Derrière des mesures présentées comme des avancées vers une meilleure gouvernance, se dessine une réalité plus inquiétante : la transformation progressive de la démocratie en un club fermé, réservé aux élites économiques.
100 millions de francs CFA pour créer un parti politique. Voilà l’une des propositions phares retenues lors des ateliers. À titre de comparaison, ce montant équivaut au capital exigé pour créer une banque commerciale. Cela soulève une question essentielle : souhaite-t-on faire des partis politiques des entreprises privées ? Car avec de telles barrières financières, qui pourra encore fonder une formation politique ?
Certainement pas les jeunes leaders, les mouvements citoyens, ni les intellectuels engagés. Seuls les détenteurs de grandes fortunes ou les réseaux d’intérêts bien établis auront désormais les moyens d’entrer dans le jeu politique. C’est la fin de la politique populaire, remplacée par la politique du portefeuille.Et ce n’est pas fini.
Autre mesure : 250 millions de francs CFA exigés pour présenter une candidature à l’élection présidentielle. Ce seuil transforme l’élection suprême en une compétition de riches. L’égalité des chances, pourtant au cœur de toute démocratie, est ici bafouée. On n’élira plus les plus capables, mais les plus aisés.
Vers une marchandisation du pouvoir. Ces « recommandations recommandées » créent un dangereux précédent. En verrouillant l’accès à la vie politique par l’argent, on ouvre la porte à la marchandisation du pouvoir. Les partis deviennent des sociétés d’investissement, où les financeurs attendent des retours.
Les candidats, devenus débiteurs politiques, devront « rembourser » en faveur de leurs parrains financiers.À terme, cette logique menace de court-circuiter la souveraineté populaire. Le risque est réel : voir émerger une politique dictée par des intérêts privés, voire mafieux, au détriment de l’intérêt général.
Une démocratie étouffée par l’argentSi l’objectif affiché est de moraliser la vie politique et d’éviter la prolifération des partis fantômes, la méthode choisie risque de tuer l’essence même de la démocratie : la participation du plus grand nombre.Une autre voie est possible. Il est urgent de repenser ces recommandations à la lumière des principes fondamentaux de la République.
Renforcer la transparence, garantir l’intégrité des candidats, soutenir la formation politique des citoyens : voilà les vrais chantiers.L’argent ne doit jamais être le premier critère d’accès à la politique. Le Mali mérite une démocratie vivante, inclusive et représentative. Il est encore temps de corriger le tir.
Mais pour cela, il faudra écouter non pas quelques centaines de personnes en atelier… mais les millions de Maliens qui aspirent à être représentés, et non écartés.
Rédaction / M.O.M-ACTU