Mali : Au nom du peuple… ou au nom de quelques-uns ?
Paradoxale démocratie malienne. Le pays compte plus de 23 millions d’habitants. Pourtant, ceux qui parlent « au nom du peuple » semblent de moins en moins nombreux… et de moins en moins représentatifs.
2018 : Une légitimité électorale déjà affaiblie
Lors de la dernière élection présidentielle en 2018, environ 8 millions de Maliens ont voté pour choisir leur président, feu Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Cela représente environ un tiers de la population. Déjà là, une première faille : la majorité silencieuse n’a pas voté, par abstention ou par désillusion.
2022 : Le cri de la rue contre la CEDEAO
Quand la CEDEAO impose des sanctions au Mali, c’est dans la rue que le peuple prend la parole : plus de 5 millions de Maliens manifestent pour dénoncer des mesures jugées inhumaines et immorales. Une mobilisation inédite. La rue devient alors un nouveau terrain de légitimité.
2023 : Refondation, participation et espoir
L’année suivante, les Assises Nationales de la Refondation réunissent environ 460 000 participants à travers le pays. Un exercice salué comme un pas vers une refondation du contrat social. De ces travaux, 550 recommandations sont issues. Un effort de dialogue, certes louable, mais encore insuffisant face à la masse démographique nationale.
2023 encore : Une constitution validée par 5 millions de voix
Lors du référendum constitutionnel, environ 5 millions de Maliens disent « oui » à une nouvelle constitution. Ce chiffre, égal à celui de la mobilisation contre la CEDEAO, montre un regain de participation. Mais là encore, c’est une minorité du peuple qui s’exprime — la majorité reste en marge.
2025 : Quand quelques centaines parlent pour des millions
Et c’est en 2025 que la fracture s’illustre de façon frappante.
Lors de la concertation nationale sur la révision de la charte des partis politiques, 1 500 personnes sont conviées. Mais ce sont moins de 300 qui, dans le cadre de trois ateliers, valident une décision historique : la dissolution des partis politiques au nom du peuple malien.
La clôture de ces discussions se fait dans une salle de 1 000 places, où l’on affirme que cette voix est celle du peuple.
Mais quelle voix ? Celle des 300 ? Des 1 000 ?
Peut-on réellement engager un pays tout entier sur la base d’une représentativité aussi mince ? La démocratie malienne serait-elle devenue une affaire de petits cercles fermés ?
Une question de fond : qu’est-ce que « le peuple » ?
Derrière les chiffres, une interrogation éthique et politique :
À quel moment cesse-t-on de représenter un peuple, pour simplement parler à sa place ?
Dans une démocratie en construction, la participation populaire ne devrait pas être une formalité, ni une mise en scène. Elle doit être un pilier. Et aujourd’hui, cette légitimité, que l’on clame « populaire », semble trop souvent construite dans des salons, ateliers et salles fermées.
Le Mali mérite mieux qu’une démocratie d’apparence. Il mérite une démocratie de substance. Une démocratie qui écoute, qui inclut, et surtout, qui respecte la voix de toutes et tous.