Aux journalistes, hommes de média et responsables des faîtières de la presse, qu’avez-vous eu pendant cette période transitoire, respect, reconnaissance, accès à l’information ou votre aide à la presse ?
N’est-il pas temps de faire le bilan des acquis de la presse pendant cette période d’exception ou toutes les couches en profitent pour améliorer leurs conditions et pour la mise en application de certaines lois en leur faveur ?
Vous conviendrez avec moi que certaines décisions politiques sont facilement obtenues en période exceptionnelle comme sous une transition militaire.
Depuis presque une vingtaine d’années, les médias classiques sont confrontés à une concurrence déloyale des nouveaux médias (réseaux sociaux). Une situation qui leur est défavorable et qui nécessite la protection et l’accompagnement des Etats partout dans le monde et le Mali n’en fait pas l’exception. Cependant, serait-ce trop de dire que les videomens sont en train de tuer le journalisme professionnel avec la grâce des autorités actuelles au Mali ?
Durant quatre ans de gestion, les autorités de transition n’ont pas été capables de continuer à donner, même une seule fois, la somme dérisoire annuellement attribuée à l’ensemble de la presse comme aide (un droit constitutionnel).
Mieux, les contrats des journaux sont drastiquement revus à la baisse sinon même cassés dans certains ministères, directions et institutions sous prétexte de restriction budgétaire.
Ces entreprises, créées en grande partie par des jeunes depuis plusieurs années sans aucun accompagnement de l’Etat, sont en train de mettre les clefs sous paillasson faute d’inattention ou de mépris des autorités du pays. Bénéficiant d’une loi spéciale qui atteste de son importance pour la démocratie et la transparence, la presse est également plus que jamais menacée par certaines brigades ou unités d’enquête sous cette transition.
Le Mali traverse des moments difficiles certes, est-ce à la presse seule de payer le prix de la mort au moment où d’autres secteurs ont des traitements spéciaux. Ce qui est grave, les entreprises en bonne et due forme se voient retirer des contrats au profit des videomens (individus) et des pages Facebook qui ne sont pas des entreprises formelles et ne sont régies par aucun texte de la république. Ça se passe au vu et au su de tous et personne ne lève le petit doigt pour sauver ces nombreux jeunes, employés par les entreprises de presse.
Comment cela est-il arrivé ?
Tandis que les autorités de la transition avaient bénéficié de la confiance de tous et particulièrement, celle de la presse qui avait misé sur la fibre patriotique de ces militaires qui ont mis fin au régime oligarchique.
En plus de quelques décisions courageuses et significatives, la lutte enclenchée contre la corruption nous avait séduits.
Après plus de trois années de sacrifice et de soutien désintéressé, la presse dans son ensemble doit comprendre qu’elle est le dernier des soucis de ces autorités de transition. Non seulement elles n’ont aucune volonté d’appuyer notre secteur mais, même si volonté il y a, elles n’ont aucune politique pour maintenir sur pied, ce pilier de la démocratie.
Loin de moi l’idée de faire le procès du pouvoir militaire mais par bon sens, il est vraiment nécessaire de faire le bilan de leur gestion concernant la presse qui est une composante de la république (4ème pouvoir). Ce qui va permettre aux tenants du pouvoir d’apporter les solutions adaptées à la situation de la presse malienne si cette situation n’émane pas d’une volonté de tuer carrément la presse professionnelle.
Au regard de la cherté de la vie, de la crise énergétique, des enlèvements, des emprisonnements, des dissolutions des mouvements, de l’exil forcé de certaines personnalités, je me dis que la solution ne se trouve pas dans la maison d’à côté et j’ai peur pour la démocratie qui donne vie à la liberté de presse.
Ce qui est déjà certain, l’atmosphère n’est plus propice à la liberté d’expression et c’est fort regrettable. Les autorités doivent vite remédier à cela pendant qu’il est encore temps. C’est un devoir envers les citoyens maliens, qui ont le droit fondamental d’être informés de manière autonome et impartiale. En cette période d’exception, les autorités doivent faire preuve de compréhension en soutenant les entreprises de presse et en respectant la liberté de la presse et d’expression.
A vous hommes de média, journalistes, associations faîtières de la presse, lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et followers de faire signe de vie pour le secteur, de faire un grand bruit pour sauver la presse mourante. Vous qui passez toute votre vie et votre temps à faire le combat des autres, il est vraiment temps que vous vous débattez pour vous-même au risque de mourir définitivement. Sans presse, pas de démocratie.
Albadia H. DICKO