Depuis quelque temps, le secteur médiatique malien est en proie à une problématique de plus en plus préoccupante : l’usurpation d’identité par des cyber-activistes et des vidéastes amateurs, surnommés « vidéomans ». Ces acteurs des réseaux sociaux, sans formation ni déontologie journalistique, s’autoproclament « journalistes » et brouillent ainsi les frontières entre information professionnelle et amateurisme.
Le phénomène prend de l’ampleur, et pourtant, le cadre légal qui régit ce secteur reste insuffisant pour encadrer ces pratiques. Bien que le Mali dispose d’un organe de régulation, la Haute Autorité de la Communication (HAC), cette dernière ne parvient pas encore à contrôler les activités des cyber-activistes et autres pseudo-journalistes. Selon la HAC, elle ne dispose pas des prérogatives nécessaires pour assurer un contrôle strict sur ces nouveaux acteurs du paysage médiatique, ce qui complique la lutte contre l’anarchie dans le secteur.
Tandis que, dans des pays voisins comme la Côte d’Ivoire, les cyber-activistes sont contrôlés par l’organe de régulation de la presse et de la communication, la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), qui dispose de pouvoirs étendus pour sanctionner les dérapages. Ce cadre réglementaire strict a permis de mieux encadrer l’information et de garantir la qualité des productions médiatiques.
Au Mali, l’absence de sanctions pour ces individus usurpant le titre de journaliste a conduit à une véritable anarchie médiatique. Ces pseudo-journalistes, motivés par la quête de buzz et de popularité sur les réseaux sociaux, fragilisent la crédibilité des véritables professionnels et ternissent l’image du métier.
Pour contrer ce phénomène, les organisations professionnelles du secteur doivent agir de concert avec la HAC pour réclamer une extension de ses compétences. Il est crucial que la régulation du secteur inclue des critères stricts d’accès au métier de journaliste, avec des conditions claires et vérifiables. La délivrance d’une carte de presse officielle, basée sur des critères rigoureux de formation et d’expérience, pourrait également contribuer à renforcer la régulation.
En outre, l’État malien doit prendre ses responsabilités en renforçant le cadre législatif et en octroyant à la HAC les pouvoirs nécessaires pour réguler le secteur de manière efficace. Cela permettra de protéger le journalisme, un pilier de la démocratie, tout en garantissant que l’information transmise au public soit crédible et conforme aux normes professionnelles.
La lutte contre l’usurpation d’identité dans le journalisme nécessite une action collective, impliquant l’État, la HAC, et les organisations de presse. Sans cela, la profession risque de perdre de sa valeur, et l’information de sa crédibilité, au détriment de la démocratie et du droit à une information fiable au Mali.
Ibrahim K. DJITTEYE