Algérie–Mali : une amitié fracturée, récit d’une brouille diplomatique.
Entre l’Algérie et le Mali, le vent a tourné. Jadis alliés, ces deux voisins sahéliens vivent depuis 2021 une série de tensions qui ont progressivement mis à mal une relation autrefois stratégique. Au cœur de ce refroidissement, un accord de paix devenu source de discorde, des échanges houleux sur la scène internationale, et des gestes symboliques interprétés comme des provocations.L’accord d’Alger, autrefois espoir, désormais mal-aiméTout avait pourtant bien commencé.
En 2015, l’Algérie, forte de son influence régionale, accueillait sur son sol les protagonistes du conflit malien : d’un côté, le gouvernement de Bamako dirigé alors par Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), de l’autre, les groupes armés du nord, dont le MNLA. L’Accord d’Alger était né, promesse fragile mais réelle de paix.
Mais à partir de 2021, les choses se délitent. Le climat politique au Mali change brusquement avec l’arrivée au pouvoir d’une junte militaire. Peu à peu, les autorités de transition prennent leurs distances avec l’accord, qu’elles jugent inadapté aux nouvelles réalités du pays. L’Algérie, elle, continue d’en faire un pilier de stabilité régionale, insistant sur la nécessité de son application.
L’ONU, théâtre d’accusations croiséesLa fracture devient publique à New York, lors des Assemblées générales de l’ONU. Des responsables maliens, visiblement agacés, accusent l’Algérie d’ingérence, voire de duplicité. En retour, Alger dénonce une posture de fermeture et un rejet du dialogue. Les mots sont durs, les regards froids. La diplomatie laisse place aux sous-entendus et aux piques lancées en pleine tribune.
La rencontre qui fâche et l’imam qui dérangePuis survient l’événement qui va envenimer encore davantage les choses : en 2023, l’Algérie reçoit des représentants du MNLA. Une rencontre qui ne passe pas du tout à Bamako, où l’on voit là une trahison à peine voilée. Le gouvernement malien dénonce un double jeu, pendant qu’Alger assure n’avoir fait que maintenir des liens de dialogue.
À cela s’ajoute l’invitation de l’imam Mahmoud Dicko, figure religieuse très écoutée au Mali mais critique ouvert du pouvoir en place. Son passage à Alger est vu comme une nouvelle provocation. D’un geste diplomatique, l’Algérie semble désormais tenir un message politique.Et maintenant ?Aujourd’hui, malgré les sourires de façade, la confiance semble rompue.
Les deux pays poursuivent leurs agendas chacun de leur côté, et les médiations se font plus rares. Une question plane : est-il encore possible de recoller les morceaux d’un partenariat brisé, ou faut-il s’attendre à une rupture durable ? Le temps, seul, donnera sa raison.
Salif Siré Sylla