Depuis l’arrivée du capitaine Ibrahim Traoré à la tête du Burkina Faso, une nouvelle pratique s’installe au sein de l’appareil judiciaire : l’envoi de magistrats au front. Cette mesure, qui vise à intégrer les critiques de la gestion du pays dans les rangs des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), suscite des débats animés au sein de la population burkinabè et de la communauté internationale.
Récemment, c’est au tour d’Abdoul Gafarou Nacro, substitut du procureur de Bobo-Dioulasso, d’être réquisitionné pour rejoindre le front. L’ordre de réquisition, émis le 9 août 2024, n’a été rendu public que trois jours plus tard, le 12 août. Il stipule que Nacro doit se présenter ce 14 août pour une mobilisation d’une durée initiale de trois mois, renouvelable. Cette décision s’inscrit dans une série de mesures similaires touchant divers acteurs critiques du régime, y compris des membres de la société civile, des politiciens et des journalistes.
Le capitaine Traoré justifie ces réquisitions par la nécessité pour ces critiques de vivre la réalité quotidienne des FDS, engagées dans une lutte acharnée contre le terrorisme et d’autres menaces sécuritaires. Selon lui, cette expérience de terrain permettrait de renforcer leur com R vapréhension des défis auxquels le Burkina Faso est confronté.
Cette initiative ne manque pas de diviser l’opinion publique. D’un côté, une large frange de la population soutient fermement cette décision. Pour ces partisans, le capitaine Traoré incarne un président libérateur, résolument engagé contre l’impérialisme et le néocolonialisme. Ils voient en lui un leader dont les actions visent à protéger la souveraineté nationale et à instaurer une véritable justice sociale. Pour eux, les critiques des autorités de la Transition sont perçues comme des ennemis de l’État, dont l’éloignement du pouvoir est salutaire.
De l’autre côté, cette pratique soulève des inquiétudes quant à l’indépendance du pouvoir judiciaire et au respect des droits fondamentaux. Les critiques estiment que l’envoi de magistrats au front est une tentative déguisée de contrôler le pouvoir judiciaire et d’intimider les voix dissidentes. Pour eux, cette stratégie compromet l’intégrité des institutions et menace l’État de droit au Burkina Faso.
En somme, la réquisition de magistrats au front, dans un contexte de tensions politiques et sociales croissantes, pose la question de l’équilibre entre patriotisme et respect des principes démocratiques. L’avenir du Burkina Faso sous la Transition reste incertain, entre adhésion populaire et préoccupations sur l’évolution des libertés fondamentales.
Ibrahim K. DJITTEYE