Au lendemain de la reconnaissance de l’indépendance des territoires séparatistes de Donetsk et de Lougansk, le président russe brandit la menace d’une guerre de grande ampleur. Ce mercredi 23 février, Vladimir Poutine a également insisté sur le caractère « non négociable » des intérêts et de la sécurité de son pays tout en se disant cependant disposé à trouver des « solutions diplomatiques ».
Vladimir Poutine souffle le chaud et le froid. Après avoir demandé à son armée de « maintenir la paix » dans les territoires sécessionnistes de Donetsk et de Lougansk dont il a reconnu l’indépendance, Vladimir Poutine a obtenu, mardi 22 février au soir, de la Chambre haute du Parlement l’autorisation d’un déploiement militaire en soutien aux séparatistes. L’Otan dit désormais s’attendre à une « attaque massive ». Mais, ce 23 février au matin, le président russe a déclaré, dans un discours télévisé à l’occasion de la « Journée du défenseur de la Patrie », que son pays restait « toujours ouvert à un dialogue direct et honnête pour trouver des solutions diplomatiques aux problèmes les plus complexes. Cependant, les intérêts et la sécurité de nos citoyens sont pour nous non négociables », a-t-il conclu.
Hier, le maître du Kremlin a laissé planer le doute sur le calendrier de l’envoi de forces armées, et réclame une « démilitarisation » de l’Ukraine, qui ferait « mieux » de renoncer à son ambition de rejoindre l’Otan pour choisir la « neutralité ». « Je n’ai pas dit que nos soldats vont y aller là, maintenant (…) Cela dépendra, comme on dit, de la situation sur le terrain », a-t-il fait savoir. Juste après, la diplomatie russe a annoncé l’évacuation prochaine de ses diplomates d’Ukraine.
Poutine précise ses objectifs
Tout en entretenant le suspense, le maître du Kremlin a affirmé que les accords de Minsk, servant de base pour un règlement du conflit dans l’Est de l’Ukraine, « n’existaient plus ». Ces accords, signés en 2015 par la Russie et l’Ukraine sous médiation franco-allemande, visent à un retour sous souveraineté ukrainienne des zones tenues par les séparatistes dans les régions de Donetsk et Lougansk, en échange d’une autonomie. La reconnaissance de leur indépendance rend les accords caducs du point de vue russe.
Mais pour Moscou, les « républiques » séparatistes de Donetsk et de Lougansk ne se limitent plus seulement aux territoires tenus aujourd’hui par les pro-russes ; elles s’étendent à l’ensemble des régions éponymes, « telles qu’elles étaient quand elles faisaient partie de l’Ukraine », a déclaré Vladimir Poutine. Ces propos ouvrent ainsi la porte à une tentative de prise de contrôle des parties de ces régions contrôlées par des autorités ukrainiennes, notamment la ville de Marioupol, qui compte plus de 400 000 habitants. Le chef du Kremlin a cependant ajouté que le tracé exact devra faire l’objet de « négociations » entre Kiev et les séparatistes. Dans la foulée de ces déclarations, le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé l’établissement de relations diplomatiques avec les deux régions séparatistes, non reconnues par la communauté internationale.
« Le président Poutine n’honore plus la signature de la Russie », a réagi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian en citant la Charte de Paris de 1990 ou l’Acte final d’Helsinki, autant de textes sur « l’inviolabilité des frontières, la souveraineté des États, la stabilité en Europe » signés par la Russie. « La signature de la Russie, c’est aussi les Accords de Minsk, de Poutine lui-même, renouvelée dans la réunion de Paris de décembre de 2019 », a-t-il rappelé. « Le président Poutine n’honore plus non plus ses propres engagements puisqu’il avait déclaré publiquement que l’hypothèse d’un vote de la Douma entraînant la reconnaissance des deux Républiques de Donetsk et Lougansk n’était pas à l’ordre du jour », a-t-il poursuivi.
« Le début d’une invasion »
En annonçant que les régions ukrainiennes dont la Russie a reconnu l’indépendance dépassent les zones actuellement contrôlées par les séparatistes, le président russe Vladimir Poutine « est en train d’élaborer des justifications pour aller beaucoup plus loin », a pour sa part estimé le président américain Joe Biden dans une adresse à la nation depuis la Maison Blanche. « Ceci est le début d’une invasion russe de l’Ukraine. »
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En réaction, Joe Biden a annoncé avoir autorisé le redéploiement de forces américaines déjà positionnées en Europe pour renforcer les pays baltes, tout en répétant ne pas abandonner l’espoir de trouver une issue diplomatique. « Il ne fait aucun doute que la Russie est l’agresseur, nous sommes donc conscients des défis auxquels nous sommes confrontés », a-t-il dit. « Néanmoins, il est encore temps d’éviter le scénario du pire qui infligera d’énormes souffrances à des millions de personnes ».
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a cependant annoncé qu’il ne rencontrerait pas comme prévu son homologue russe Sergueï Lavrov. « Maintenant que nous voyons que l’invasion a commencé et que la Russie a clairement rejeté toute diplomatie, cela ne fait aucun sens de se rencontrer à ce stade », a-t-il expliqué, tout en se déclarant prêt à poursuivre des efforts diplomatiques si la Russie apporte des preuves de sa volonté de désescalade. Pour la même raison, le sommet proposé par Emmanuel Macron entre Joe Biden et Vladimir Poutine n’est « certainement pas envisagé », a indiqué la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki.
(avec AFP)
Source : rfi